Le rescrit fiscal : une garantie contre le redressement

Pour nombre de personnes, la loi fiscale française est perçue comme complexe et considérée aussi comme source d'injustices et d'inégalités...

Pour nombre de personnes, la loi fiscale française est perçue comme complexe et considérée aussi comme source d'injustices et d'inégalités. Force est de constater que l'empilement des dispositifs, sensés apporter des réponses à des problèmes particuliers à un instant T, offre à l'ensemble de notre législation fiscale la vision d'une jungle plutôt que celle d'un jardin à la française. Cependant, parmi les solutions mises en place par les pouvoirs publics pour faciliter la vie du contribuable, figure le rescrit dont le champ d'application s'est particulièrement développé à partir des années 2008 et 2009.

Rappelons que le rescrit constitue une prise de position formelle soit sur l'interprétation d'un texte fiscal, soit sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal. En pratique, il n'existe pas une seule procédure de rescrit mais une procédure générale et plusieurs procédures spécifiques. Tous les contribuables, personnes physiques ou morales, ont la possibilité d’interroger ainsi l’administration. Dans tous les cas, la demande doit respecter un certain formalisme permettant à l'administration fiscale de se prononcer en toute connaissance de cause. Les réponses sont susceptibles d’engager l’administration. Elles constituent dès lors une garantie apportée au contribuable d'un niveau supérieur à la simple demande de renseignement.

La question de législation, pour connaître l’interprétation par l’administration d’un texte fiscal

L'administration peut être interrogée sur son interprétation des textes, pour une application générale ou particulière. Il s’agit d’une demande individuelle qui porte sur un point de droit particulier, sans appréciation d’une situation de fait. La position qu'elle exprime lui est alors opposable. Autrement dit, l’administration ne peut pas procéder à des rehaussements d’impositions qui seraient en contradiction avec sa réponse, quand bien même sa doctrine aurait été modifiée par la suite du fait, par exemple, d’un changement de législation ou d’une évolution jurisprudentielle.

Le rescrit général, pour connaître l’appréciation par l’administration d’une situation donnée au regard d’un texte fiscal

Selon le même principe que la simple question de législation, l’administration peut être également saisie d’une demande de prise de position sur une situation de fait. La demande doit être écrite, précise et complète et le contribuable, de bonne foi. Le cas échéant, la demande doit être effectuée préalablement à un montage envisagé par le contribuable. En tout état de cause, pour être garantie, la prise de position de l'administration doit être antérieure à la date d’expiration du délai de déclaration dont le contribuable disposait ou, en l'absence d'obligation déclarative, à la date de mise en recouvrement de l'imposition.

L’administration dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer, le délai courant à compter de la réception de la demande par le service compétent. À défaut de réponse dans ce délai, l'acceptation de la demande du contribuable est tacite.

Garantie du contribuable et recours possible

Comme pour la question de législation, le contribuable bénéficie d’une garantie : la réponse de l’administration lui est opposable, étant entendu que :

  • le demandeur est de bonne foi et qu’il a fourni tous les éléments lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause,
  • sa situation reste strictement identique à celle sur laquelle l’administration s’est prononcée,
  • il s’est conformé à la solution admise par l’administration dans sa prise de position.

En outre, l’intéressé peut, dans un délai de deux mois, solliciter un second examen de sa demande, à condition de n’invoquer aucun élément nouveau. L’administration examine la demande de manière collégiale et y répond de façon définitive selon les mêmes règles et délais que ceux qui sont applicables à la demande initiale.

Les rescrits spécifiques

Au-delà du rescrit général, des demandes particulières de rescrit peuvent être déposées. Elles sont au nombre de 14 et concernent en grande partie des dispositifs fiscaux spécifiques aux entreprises, comme par exemple :

  • le rescrit "entreprises nouvelles",
  • le rescrit "entreprise implantée en zones franches urbaines" ou "entreprise créée ou reprise en zones de revitalisation rurale", pour s’assurer du droit aux allégements d’impôts en faveur des entreprises prévu dans ces zones du territoire,
  • le rescrit "crédit d’impôt recherche", pour s’assurer de l’éligibilité d’un projet de dépense au crédit d’impôt,
  • le rescrit "définition catégorielle de certains revenus professionnels", pour demander à l’administration de se prononcer sur la catégorie de revenu dont relève une activité professionnelle donnée,
  • ou encore le rescrit-valeur permettant à un dirigeant d’une entreprise individuelle ou d’une société qui envisage de faire donation de tout ou partie de l’entreprise ou des titres de la société d’interroger l’administration sur la valeur de ces biens et d’obtenir un engagement sur la valeur expressément acceptée par celle-ci.

Les modèles de demande pour ces rescrits sont disponibles sur le site impots.gouv.fr.

Le délai de réponse de l’administration pour ces rescrits spécifiques est généralement de trois mois, à l’exception des rescrits "mécénat", "clause anti-abus", "abus de droit" (voir ci-après) et rescrit-valeur pour lesquels il est porté à six mois.

Où et comment déposer un rescrit ?

Par principe, les demandes de rescrit doivent être adressées à la direction départementale ou régionale des finances publiques dont dépend le service auprès duquel le contribuable est tenu de souscrire ses obligations déclaratives. Pour certaines demandes, comme le rescrit général, le rescrit-valeur et le rescrit « abus de droit », la demande doit être formulée auprès du bureau compétent de l’administration centrale (liste sur le site impots.gouv.fr).

Les demandes doivent comprendre le nom du demandeur ou la raison sociale pour une entreprise, les coordonnées complètes, le cas échéant, une présentation précise, complète et sincère de la situation de fait, le texte fiscal sur la base duquel le contribuable saisit l’administration pour qu’elle prenne position et, dans la mesure du possible, l’analyse qu’il en fait.

Rescrit spécifique "abus de droit"
La procédure d’abus de droit permet à l’administration d’écarter soit les actes ayant un caractère fictif, soit ceux recherchant de façon exclusive à éluder ou à atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Si l’abus de droit est caractérisé, il entraîne des sanctions (intérêt de retard et majoration d’impôt). Le rescrit spécifique "abus de droit" a donc logiquement pour objectif de prévenir cette procédure en permettant de consulter l’administration avant la conclusion d’un acte ou d’une convention afin qu’elle se prononce sur la portée véritable de l’opération.

Cela étant, le monde de la gestion de patrimoine a tout de même tremblé cet hiver après l’adoption d’une disposition intégrée à la loi de finances pour 2019 permettant de pointer comme abusifs les actes qui ont pour motif principal, et non plus seulement exclusif, d’éluder ou d’atténuer l’impôt. Les professionnels ont manifesté leurs inquiétudes sur l’insécurité juridique susceptible d’être provoquée par ce nouvel instrument de contrôle fiscal. Par le biais d’un communiqué en date du 19 janvier 2019, Bercy a toutefois tenu à rassurer en précisant que la nouvelle procédure de l’abus de droit ne remettrait pas en cause les stratégies de transmission anticipée de patrimoine, telles que les donations avec réserve d’usufruit, "sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives". Cependant, à ce jour, rien n’a été repris en ce sens dans la base Bofip de l’administration fiscale qui constitue sa doctrine. Il convient de préciser que la nouvelle mesure s’appliquera seulement aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 ; un délai qui devrait permettre à l’administration, en collaboration avec les professionnels, d’actualiser sa cartographie des pratiques considérées comme abusives.

Base de données des décisions de rescrit

Les rescrits délivrés à des contribuables qui formulent des prises de position de portée générale sont intégrés dans la base Bofip-impôts de l’administration fiscale accessible à tous (http://bofip.impots.gouv.fr).

Le rescrit fiscal en chiffres

Selon le rapport sur l'activité en matière de rescrit pour l'année 2017, le nombre de rescrits reçus et traités par l'administration fiscale est en diminution depuis 2015. Le nombre de rescrits traités en 2017 s'élève à 17 927, en diminution de 2 % par rapport à 2016. S'agissant des demandes reçues, 262 portaient sur l'interprétation d'un texte (- 29 %) et 17 832 étaient relatives à une situation de fait (- 4 %), dont 8 515 rescrits généraux. En outre, les collèges territoriaux ont reçu 399 demandes de second examen (- 2 % par rapport à 2016).

Du rescrit fiscal au rescrit social

À l'image du rescrit fiscal, il existe, depuis 2006, une procédure de rescrit social pour les entreprises qui permet d’obtenir une prise de position explicite de l’organisme en charge du recouvrement des cotisations sociales. Son champ d'application s’est particulièrement développé au fil des années : aides à l’emploi,  dispositifs d’exonération de cotisations sociales, avantages en nature et remboursement de frais professionnels, rescrit spécifique pour les travailleurs indépendants, etc.

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